Clauses de non- concurrence & de non-sollicitation : comment protéger le capital humain de votre entreprise ?

Les crispations autour de ces thématiques se sont intensifiées, à l’occasion notamment de la négociation de contrats (contrats de travail ou contrats commerciaux) visant à se prémunir d’un débauchage de ressources humaines internes clés.

Dans la continuité du précédent épisode dédié à la clause de non-concurrence, le présent article s’intéresse à la clause de non-sollicitation introduite par les prestataires de services dans leurs contrats commerciaux.

D’une manière générale, la clause de non-sollicitation dans un contrat de prestation de services a pour objectif la protection de l’entreprise prestataire contre le recrutement, par son client, de ses collaborateurs, ainsi que la préservation de la pérennité de son savoir-faire et de son investissement (par exemple au titre de la formation de ses équipes).

La jurisprudence concernant les clauses de non- sollicitation évolue et tend vers un encadrement plus strict de cet outil contractuel :

En 2006, la chambre Commerciale de la Cour de Cassation jugeait que la clause de non sollicitation était différente d’une clause de non concurrence et qu’elle n’avait pas à être rémunérée, ni à être limitée dans le temps ou dans l’espace [1]. Cette position pouvait entrer « en conflit avec des notions juridiques essentielles telles que la liberté du travail, l’effet relatif des contrats, la liberté contractuelle [2] »


En 2021, cette position a évolué puisque cette même chambre juge désormais qu’une stipulation contractuelle qui porte atteinte aux principes de liberté du travail et de la liberté d’entreprendre n’est licite que si elle est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, elle doit être limitée dans le temps et permettre des dérogations possibles [3].

Pour être valables, les clauses de non-sollicitation ne nécessitent pas de contrepartie financière mais elles doivent respecter un certain équilibre.

Comment les rédiger et les négocier ?

Pour apprécier le caractère proportionné des atteintes portées à ces principes, notamment au moment de la rédaction ou de la négociation d’une telle clause, il est recommandé de prendre en considération la limitation dans le temps et dans l’espace, comme en matière de clause de non-concurrence.

Il nous semble également utile d’expliciter les raisons pour laquelle les parties souhaitent l’adopter : quelles sont les motivations ? De quel risque veut-on se prémunir ? Détournement de clientèle, protection du savoir-faire, perte de contrat…

Le champ d’application pourrait aussi être limité à des secteurs déterminés.

La question des collaborateurs concernés par la restriction devient importante dans ce contexte et il semble justifié de limiter la clause aux seuls collaborateurs du prestataire affectés à la réalisation des prestations objet du contrat, et non à tous les collaborateurs de l’entreprise….

En synthèse, la non-sollicitation ne peut pas être définie de façon si large qu’elle porte atteinte de façon disproportionnée à la liberté de travailler du collaborateur : la réponse à des annonces par voie de presse pourrait donc être autorisée, pour autant qu’elle ne constitue pas, en réalité, un détournement de l’interdiction de sollicitation/de débauchage.

L’indemnité à verser au prestataire, en cas de non-respect de l’interdiction de solliciter ou de débaucher est également une façon de borner l’interdiction.

Son montant ne doit être ni excessif, ni dérisoire (nous observons souvent qu’il est demandé une indemnité équivalente aux 12 mois de rémunération du collaborateur en cause). Il s’agira alors d’une clause pénale, visant à indemniser le préjudice subi par l’entreprise victime du débauchage. En cas de contentieux, le juge dispose d’un pouvoir modérateur qui lui permettra de diminuer le montant de la pénalité convenue (ou selon le cas, de l’augmenter).


A retenir

  • La clause de non-sollicitation n’est valable que dans la mesure où elle cherche à protéger le savoir-faire, l’investissement et le « capital humain » de l’entreprise. Mais elle ne peut pas être stipulée de façon si large qu’elle porte en réalité atteinte de façon disproportionnée à la liberté de travailler / d’entreprendre du collaborateur. Il est donc nécessaire d’en limiter la portée (dans le temps, l’espace, le secteur d’activité…).


Nos recommandations

  • Prenez-soin d’analyser les clauses de non-sollicitation dans vos contrats commerciaux pour s’assurer de leur équilibre et de leur validité, et de négocier des clauses valides.
  • En amont de tout recrutement, vérifiez si une obligation de non-sollicitation vous incombe au titre d’un quelconque engagement contractuel pris auprès d’un co-contractant.

Auteurs de l’article

Gülten Parlak

Gülten Parlak

Collaboratrice

Cécile Vernudachi

Cécile Vernudachi

Avocate Associée

Grégoire Bravais

Grégoire Bravais

Avocat Associé

Mathilde Renet

Stagiaire

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter !

[1] Cass. com., 10 mai 2006, n°04-10696 ; Com., 11 juillet 2006, pourvoi n° 04-20.438

[2] J.J Tatoux, la non-sollicitation de personnel : pour une préservation des savoir-faire de l’entreprise, RLDA n°147, avril 2019.

[3] Cour de Cassation, Chambre commerciale, arrêt du 27 mai 2021 n° 18-23.261

Lire aussi, épisode 1 : La clause de non-concurrence.