La clause de non-concurrence a pour finalité d’interdire au salarié – après la rupture de son contrat de travail – d’exercer une activité professionnelle susceptible de concurrencer l’activité de son ancien employeur.
Cette interdiction, qui doit être formalisée par écrit dans le contrat de travail ou l’un de ses avenants, est strictement encadrée puisqu’elle porte atteinte au principe constitutionnel de libre exercice d’une activité professionnelle.
Les cinq conditions cumulatives de validité de la clause de non-concurrence
Limitée dans le temps
Selon les conventions collectives et les secteurs d’activité, la clause est généralement applicable une ou deux années. Les interdictions à durée illimitée sont jugées excessives.
Limitée dans l’espace
Cette limitation géographique doit tenir compte au cas par cas de la localisation géographique de l’entreprise, des fonctions confiées au salarié, de ses contacts avec des clients… Un commercial junior couvrant le secteur de l’Ile de France ne sera pas dans la même situation qu’un consultant plus senior dans le domaine de la cybersécurité intervenant sur tout le territoire.
Limitée quant à l’activité visée par la clause de non-concurrence
Une mention trop imprécise pourra rendre la clause illicite. A l’inverse un ingénieur commercial travaillant chez un éditeur et intégrateur de logiciels à destination d’entreprises industrielles, auprès de comptes du secteur de l’agro-alimentaire (et disposant d’une expérience de 25 ans dans l’agro-alimentaire) pourra ainsi se voir interdire de travailler chez un concurrent à un poste similaire auprès des clients de ce secteur (ce qui l’autorise à occuper un poste similaire pour travailler avec des clients du secteur de l’énergie).
Strictement proportionnée avec le but recherché
C’est-à-dire « indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise », ce qui implique à l’employeur de mentionner dans la clause de non-concurrence pour quelles raisons il entend bénéficier de la clause de non-concurrence (secteur d’activité, type de poste occupé par le salarié, risque lié à une concurrence accrue…).
Assortie d’une contrepartie financière
Dont le montant est généralement fixé par la Convention collective, et qui ne doit pas être « dérisoire ». A titre d’illustration, a été considérée comme dérisoire la contrepartie correspondant à 10 % du salaire pour un cadre dirigeant soumis à une obligation couvrant l’ensemble de la France ayant alors conduit à l’annulation de la clause de non-concurrence.
La portée de la clause de non-concurrence
Les parties négocient et fixent la portée de la clause de non-concurrence. Celle-ci peut par exemple faire interdiction à l’ancien salarié de :
– Travailler, directement ou indirectement
et à quelque titre que ce soit (par exemple dans le cadre d’un contrat commercial de prestation de services) avec un concurrent de son ancien employeur ;
– Travailler, directement ou indirectement
avec la clientèle de son ancienne entreprise, le salarié ne pouvant proposer ni sa force de travail (en rejoignant les effectifs) ni son offre de services (dans le cas où l’ancien salarié interviendrait pour proposer des services concurrents, par exemple en freelance).
Clause de non-concurrence : mise en œuvre ou renonciation
Au moment de la rupture du contrat de travail, l’employeur peut généralement choisir de faire appliquer la clause de non-concurrence ou d’y renoncer. Il devra le faire selon la forme et dans les délais fixés au contrat de travail et/ou de la convention collective.
Si l’application de la clause de non-concurrence est réclamée par l’employeur :
– D’une part, il appartient à l’employeur de démontrer le cas échéant que le salarié ne respecte pas les termes de cette clause ;
– D’autre part, le salarié sera le seul à pouvoir invoquer l’éventuelle nullité de celle-ci (par exemple en faisant valoir que la contrepartie financière est dérisoire).
S’il souhaite en complément obtenir des dommages-intérêts, le salarié devra justifier d’un préjudice objectif [2].
Si l’application de la clause de non-concurrence n’est pas réclamée (ou en l’absence d’une obligation contractuelle contraire) le salarié est libre de rompre son contrat pour rechercher un travail et rejoindre les effectifs d’un concurrent de son employeur. Ainsi, l’embauche par un employeur d’un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise concurrente exerçant une activité dans le même secteur ne fait pas présumer, par elle-même, de l’existence d’un acte de concurrence déloyale [3].
Opposabilité de la clause aux futurs employeurs
La clause de non-concurrence peut produire des effets à l’égard d’un tiers (notamment le futur employeur).
L’ancien employeur peut par exemple mettre en demeure le nouvel employeur de rompre le contrat de travail conclu avec un ancien salarié lié par clause de non-concurrence et/ou engager sa responsabilité pour être indemnisé du préjudice (commercial, financier, d’image…) qui résulterait d’une violation de cette clause de non-concurrence.
Au moment de l’embauche, l’entreprise doit s’assurer auprès du candidat qu’il est libre de tout engagement [4].
A défaut, sa responsabilité peut être recherchée [5] : de même, le nouvel employeur est réputé avoir commis un acte de concurrence déloyale lorsqu’il a embauché des salariés d’un concurrent alors qu’il les savait liés par une clause de non-concurrence [6] [7].
A retenir
Nos recommandations
- Prenez soin d’évaluer la validité des clauses de non-concurrence contenues dans vos contrats de travail.
- Identifiez l’opportunité d’une telle clause, qui peut être couteuse.
- En amont de tout recrutement, vérifiez l’existence d’une clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de l’employé quittant son précédent employeur pour rejoindre vos effectifs.
Rendez-vous très prochainement pour la suite de cette saga qui sera dédiée à clause de non-sollicitation !
Auteurs de l’article
Gülten Parlak
Collaboratrice
Cécile Vernudachi
Avocate Associée
Grégoire Bravais
Avocat Associé
Mathilde RENET
Stagiaire
[1] Cour de Cassation, Chambre sociale, 10 juill. 2002, n° 00-45.387
[2] Cour de Cassation, Chambre sociale, arrêt du 25 mai 2016 n°14-20.578
[3] Cour de Cassation, Chambre commerciale, arrêt du 19 octobre 1999, n°97-15.795
[4] Cour de Cassation, Chambre commerciale, arrêt du 7 janvier 1997, n° 94-18.682
[5] La responsabilité extracontractuelle du nouvel employeur pourrait être recherchée par l’ancien employeur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
[6] Cour de Cassation, Chambre commerciale, arrêt du 5 février 1991, n°88-18.400
[7] Cour de Cassation, Chambre commerciale, arrêt du 3 mai 2000