Portage salarial : motifs de recours, frais de gestion...

Au cours du dernier quadrimestre 2025, plusieurs Cour d’appel ont rendu des arrêts propres aux entreprises de portage salarial.

Ils traitent de certains des fondamentaux du portage : motif de recours ; sommes pouvant être prélevées sur le compte d’activité du salarié porté ; rupture anticipée du contrat commercial par l’entreprise cliente…

Ces décisions confirment que, lorsque les EPS appliquent les règles posées par les articles L.1254-1 et suivants du Code du travail, le portage salarial est un mécanisme fiable qui protège à la fois les EPS et les entreprises clientes.

Portage salarial

1° Frais de gestion des EPS, charges patronales, frais professionnels et charges en lien direct avec l’activité du salarié porté

Le litige opposait un salarié porté qui reprochait à l’EPS d’avoir prélevé des frais de gestions (certains en doublon) sur les factures émises, les charges patronales ainsi que des « honoraires de juriste et des frais administratifs » pour recouvrer certaines factures impayées. Il critiquait également les modalités de prise en charge de ses frais professionnels.

Par un arrêt du 24 octobre 2025 (RG 24/01440), la Cour d’appel de DOUAI a validé plusieurs principes du portage, notamment rappelés par l’avenant n°13 à la Convention collective :

  • L’EPS était légitime à prélever ses frais de gestion contractuellement fixés à 7%. La Cour a précisé que les retenues effectuées par l’employeur figuraient sur les bulletins de paie et le relevé de compte d’activité, et que le salarié avait eu une information suffisante.
  • « C’est de manière justifiée qu’ont été déduit des sommes dues à M. [C] [Y] les charges patronales et salariales (…) dans la mesure où ces charges doivent être supportées par le salarié porté ».
  • « Concernant les honoraires de juriste et les frais administratifs, ils ne sont pas en lien direct avec l’activité du salarié et n’auraient pas dû être prélevés sur son compte d’activité ».
  • Sur les frais professionnels, la Cour juge enfin que l’EPS « n’apporte pas la preuve qu’elle a bien refacturé à ses clients les frais professionnels qu’elle a prélevés sur le compte d’activité [du salarié porté]. Il se déduit de ces éléments qu’in fine c’est le salarié, qui a, en réalité, supporté ses frais de mission en violation des dispositions du contrat de portage salarial ».

2° Le portage salarial empêche la reconnaissance d’un contrat de travail chez l’entreprise cliente

Un salarié porté avait assigné devant le Conseil de prud’hommes son entreprise cliente pour faire juger qu’elle était son véritable employeur.

Le Conseil de prud’hommes, puis la Cour d’appel de PARIS (9 octobre 2025, n°23/06903) rejettent cette demande en jugeant notamment que l’EPS avait strictement respecté les règles du portage salarial, et était donc le seul employeur :

  • Le salarié, qui s’était rapproché de l’EPS « en vue de conclure un contrat de portage salarial, ne rapporte la preuve d’aucune contrainte ou violence morale l’ayant conduit à cette décision, ni à la signature dudit contrat ».
  • « Le contrat de portage comporte les mentions requises par l’article L.1254-21 du code du travail, et notamment les modalités de calcul et de versement de la rémunération due au salarié porté pour la réalisation de la prestation, correspondant pour les motifs sus-retenus à une compétence et une expertise particulières, laissant à l’intéressé une autonomie d’organisation (…) de rythme de travail (pose de ses congés), en dépit des directives qui lui ont été données relatives aux process à suivre et aux besoins de la société LVS, des relances quant à son information sur l’avancement de ses travaux, distinctes d’un lien de subordination ».
  • « Le terme mis au portage salarial de façon anticipée ne saurait refléter une sanction infligée [au salarié porté] mais la mise en œuvre d’une simple faculté prévue au contrat commercial ».

3° Recours au portage salarial pour un emploi relevant de l’activité normale de l’entreprise cliente : interdit, mais…

La Cour d’appel de PARIS a rejeté la demande d’un salarié porté qui demandait la reconnaissance d’un contrat de travail auprès de son entreprise cliente.

Il faisait valoir qu’il avait commencé à travailler pour cette entreprise en portage, avant d’être embauché directement, ce qui était la preuve qu’il avait dès l’origine occupé un emploi relevant de l’activité habituelle de l’entreprise cliente, en violation des dispositions de l’article L1254-3 du Code du travail.

La Cour d’appel de PARIS (30 septembre 2025, RG 22/07946) rejette cette demande en jugeant que « le fait que les dispositions de l’article L1254-3 du code du travail n’aient pas été respectées en ce que la société XXX ne pouvait avoir recours à un salarié porté pour une tâche relevant de son activité normale et permanente n’a pas pour effet, à défaut de lien de subordination caractérisé, d’entraîner la requalification du portage salarial en un contrat de travail ».

4° Avenant n°13 et intérêt à agir du GASPE

Le Groupement des Acteurs du Portage Salarial Ethique (GAPSE) contestait devant la Cour d’appel de PARIS la décision de première instance qui avait déclaré son action irrecevable concernant l’annulation de l’avenant n°13 à la convention collective des salariés en portage salarial.

Le Tribunal avait jugé que le GAPSE, n’étant pas signataire de l’avenant et n’ayant pas participé à sa négociation, n’avait pas d’intérêt à agir.

Par un arrêt du 30 octobre 2025 (RG 25/05957) la Cour d’appel confirme cette décision, arguant que le GAPSE ne justifie pas d’un droit à agir en nullité, car il ne peut invoquer que la défense des intérêts de ses adhérents sans motif de nullité absolue.